Jamais laver les ombres

Life's but a walking shadow ; a poor player, / That struts and frets his hour upon the stage, / And then is heard no more : it is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. (Shakespeare, The tragedy of Macbeth, V, 5)

Le bruit sourd de la photographie, c'est lorsque le grain de sel argentique peut mettre furieusement à mal la matière, les corps, les espaces. En les explosant. Les diffractant. Particules en suspens, engluées au fond d'une épaisseur d'impuretés. Molette déréglée, vitesses au ralenti; et si on tremble, pas grave, les fantômes apparaîtront, peut-être.. Une distorsion du champ de vision très faulknérienne, lui qui ose regarder le monde à travers les yeux fous d’un malade mental -Benjy dans The sound and the fury. Ou qui n'hésite pas à dématérialiser les chairs dans Sanctuary, au point de les distendre, de les transformer en chimères impalpables. Je ne sais pas si je suis un idiot, mais parfois j'imagine que la vie n'est qu'une ombre, qu'il ne faut pas trop chercher à la laver, que nous ne sommes que des pantins agités sur la scène d'un immense théâtre, et qu'il n'en est très vite plus question. Beaucoup de bruit pour rien ? Certainement.. mais j'ai envie de croire que la photographie peut capturer la noirceur de cette fureur silencieuse. Qu'est-ce que ça signifie? Je sais pas.

 

_

Photographies argentiques, Leica M6 ou M2 (scanns de négatifs).