Droit dans le mur

MUR. Ouvrage de maçonnerie vertical (parfois oblique), d'épaisseur et de hauteur variable, formé de pierres, de briques, de moellons superposés et liés par du mortier ou du ciment, et élevé sur une certaine longueur pour constituer le côté d'un bâtiment, enclore ou séparer des espaces, soutenir et supporter des charges.

Enclore ou séparer.. Suite logique à Des.. urbanisées, cette série murale veut aller voir de plus près ce paradoxe de la ville qui réunit en même temps qu'elle marque la distance. C'est le travail fascinant de Denis Darzacq, La chute, qui m'a attiré vers les murs. Parce que dans sa banlieue parisienne, les stores et volets sont terriblement clos. Paradoxe de la ville: lieu de rapprochement et de séparation. On s'y installe pour être près des autres, mais on ne veut pas les voir. Qui connaît son voisin de palier? La présence des autres rassure et est angoissante. Enclore ou séparer? Peut-être est-ce là l'illusion de sécurité dans une insécurité croissante. La chute capture cette tension à son point le plus extrême. Juste avant que les corps ne s'écrasent -ou pas. Denis Darzacq pour le fond, mais Lewis Baltz pour la forme, minimaliste et de front: l'absente présence de l'individu dans des images désolées d'une industrialisation américaine en pleine dépression (dans tous les sens du terme). Ce qui m'intéresse, ce sont les craquelures d'une société européenne -l'Italie, et la Suisse en particulier, hyper-aseptisée et fastueuse (les ménages suisses sont les plus riches du monde, avec une fortune de plus d'un demi-million de dollars). Mais les apparences sont étonnamment trompeuses. Le revers de la médaille.. d'or?

Droit dans le mur ne s’écrase pas non plus -ou pas encore. Je m'arrête devant, avant, pour prendre un peu de recul. Et me rendre compte que si les murs ont des oreilles, ils ont peut-être aussi des choses à nous dire.

Ça s'observe dans la petite ville de Fribourg, où le crépi massif porte les estafilades tracées par des autobus qui ne peuvent faire autrement que de frôler en une grinçante caresse deux lucarnes qui observent stoïquement le bête résultat d'un génie civil pas toujours ingénieux.

Mais ça peut se passer ailleurs, à Caltagirone, Sicile, par exemple. En fin d'après-midi, lorsque la puissante lumière d'août lèche les murs. Alors le Leica démange terriblement. Mais on doit absolument trouver un café pour faire faire pipi à la gamine. Et du coup avaler un espresso, un vrai -quoi d'autre? C'est en sortant que je tombe sur ce type qui n'a rien à foutre là. Contraste saisissant. Une façade décrépite dont seuls les Italiens ont le secret, flanquée d'une porte-fenêtre bouchée par une affiche publicitaire (qui m'a surtout donné envie de prendre l'apéro!) Sans ce besoin urgent (c'est toujours urgent!), il n'y aurait pas eu de clic. Merci Marion, pour ça aussi.

 

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Photographies argentiques réalisées au Leica M6, au Mamiya 7 II pour les 6x7.